Retour de mon outil pédagogique fétiche en cours de droit de la responsabilité civile : les LEGO. Dans cet enseignement, j'ai utilisé les LEGO avant tout comme un outil pour jauger le niveau de connaissance et de compréhension des apprenants et favoriser les échanges. L'utilisation proposée imposait par ailleurs un degré important d'abstraction, ce qui était loin d'être évident pour tous les esprits. Retour sur une nouvelle aventure avec les cubes !
Une nouvelle expérience
Je tiens tout d'abord à préciser que les LEGO constitue un outil pédagogique que j'utilise très ponctuellement. J'apprécie d'écrire sur les résultats de leur emploi dans mes séances mais cela ne doit pas laisser penser aux lecteurs et lectrices de ce blog qu'ils sont présent lors de toutes mes séances et pour tous les enseignements. Par le passé, j'ai pu les mobiliser pour aider les apprenants à synthétiser un cours par exemple (voir l'article suivant) mais aussi pour introduire une thématique nouvelle, ouvrir la réflexion et la voie à l'acquisition des connaissances (voir l'article suivant ).
Ici, je souhaitais travailler avec les apprenants sur la question du préjudice, élément clef de la responsabilité mais qui n'est finalement pas toujours bien connu dans ses subtilités. J'avais eu l'occasion de constater, dès le début de ma carrière d'enseignante (j'enseigne cette matière depuis environ 15 ans à des publics allant de la Licence au Master en droit en passant par des non-juristes) que la distinction entre les préjudices matériels, moraux et corporels ou encore la dichotomie au sein de la catégorie du préjudice corporel entre les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux, étaient bien souvent délicates à appréhender. J'avais bien tenté par le passé d'esquisser une schématisation mais cet outil pédagogique a aussi ses limites : je pense essentiel que les apprenants s'interroge ici sur le sens même des catégories, les choix proposés par la doctrine... et fixer une classification sur papier que l'on distribue revient parfois à figer la représentation et la réflexion.
Bref, pour m'émanciper de la fixité d'un tableau dessiné et pour rechercher une plus grande agilité des esprits, j'ai décidé de ressortir les boîtes des cubes mythiques de mon bureau.
Le contexte
Master 2- Droit de la responsabilité civile
20-25 étudiants sur une séance de 3H30 (1h pour le temps consacré à l'exercice avec accompagnement et explication), deux groupes sur la journée.
Lors de cette séance de Master 2, je disposais d'un créneau de 3h30 avec un groupe constitué d'environ 20-25 personnes. Nous avions dédoublé la promotion sur la journée. Je devais donc dispenser cet enseignement le matin et l'après-midi soit un total d'enseignement sur la journée de 7h.
Il doit être précisé que les étudiants et étudiantes étaient confrontés à une journée de 7h également puisqu'ils et elles avaient cours en parallèle sur cette même matière avec mon collègue. Cette précision est importante : il fallait penser un enseignement pour des apprenants qui allaient être confrontés à une journée d'apprentissage de 7h, ce qui est très dense. Une posture passive et un enseignement dispensé uniquement sous forme magistrale, sur une telle durée, s'imposeraient comme assurément peu productifs.
Réalisations concrètes
L'exercice proposé devait conduire à mobiliser les connaissances portant sur les différents postes de préjudices indemnisables. J'ai donc demandé aux étudiants de représenter ces catégories avec les LEGO mais de manière abstraite. J'ai ainsi retiré tous les personnages pour qu'ils ne se laissent pas tenter par une représentation concrète. Malheureusement, j'ai rapidement réalisé qu'il était difficile pour un certain nombre de personnes de distinguer ce qui relève du préjudice et du fait générateur. C'est un premier apport certain de cette démarche avec les LEGO car cela m'a permis, je l'espère, de bien clarifier ce point essentiel.
Avec les LEGO, il est très tentant et presque spontané parfois de vouloir représenter une scène concrète : un accident de voiture, un dommage causé par un enfant ou un animal... Ce n'est pas ce qui était demandé ici. Le but était d'énumérer les différents postes de préjudices, d'essayer de les organiser, de discuter de la limite des classifications... À noter que pour tous les groupes, il a fallu que je rappelle l'importance des caractères certain, direct et légitime du préjudice.
Les réalisations finales les plus pertinentes peuvent se classer en deux catégories : celles qui se rapprochent d'une représentation schématique sous forme de colonnes et celles qui dessinent des liens un peu différents entre les catégories de préjudices.
Pour la première catégorie, j'ai choisi les illustrations suivantes :
Pour cette première représentation, les postes de préjudices sont bien présentés dans leur diversité sous forme de colonnes.
Ici les étudiantes ont distingué les préjudices corporels et matériels principalement. Des hauteurs différentes ont été utilisées pour symboliser le montant différent pouvant être alloué. Au centre, les deux barres grises symbolisent le principe de la réparation intégrale : tout le préjudice rien que le préjudice.
La présentation sous forme de colonnes est aussi présente dans cette représentation. Petit coup de coeur pour le choix de représenter les caractères certain, direct et légitime sur deux vélos. Interrogés sur ce point les étudiants m'ont répondu que les critères avancent ensemble. Belle image du tandem pour expliquer les critères cumulatifs en droit !
Ici les postes de préjudices sont énumérés en partant d'un accident représenté au centre.
Enfin dans cette dernière représentation, le plaque a été découpée en différentes parties qui comportent chacune des catégories de préjudices. Des petits ponts sont construits entre les différents blocs et représentent les caractères certain, direct et légitime du préjudice.
Bilan
Les +
La mobilisation des LEGO, par l'effet ludique et la dynamique qu'elle crée, permet une mise au travail rapide. Les LEGO permettent de construire, déconstruire, déplacer tout en échangeant. Dans un processus de classification, ils permettent aussi de mieux se représenter les limites parfois poreuses des catégories.
Les -
L'utilisation d'un outil ludique demande beaucoup d'énergie et d'adaptation pour l'enseignant. Il faut à la fois conserver l'objectif de transmission des connaissances tout en l'adaptant à la mise en situation. Par ailleurs, il faut s'attacher à bien orienter les étudiants dans l'exercice car l'usage des LEGO peut conduire certains et certaines à se disperser. La tentation est grande d'ajouter des arbres, des fleurs, des animaux parce que, je cite, "ça fait joli". Il faut utiliser l'aspect ludique des LEGO au service de la rigueur. Chaque pièce doit compter et avoir du sens comme chaque mot que l'on écrit en droit.
Kommentarer